PARADISE

Allez une dernière vague. Assise sur sa planche Puck s'impatiente, frustrée. Le Soleil s'est couché depuis bien longtemps, seule la Lune presque pleine éclaire un océan d'un calme décevant. Elle est à présent la dernière dans l'eau. Les autres ont capitulé. Ils ont rejoint la plage et la petite soirée qui s'y déroule. Mais James est trop obstinée et un peu déchirée aussi. Allez donne-moi une dernière vague et je m'en vais. Quelques minutes passent et aucune vague digne de ce nom ne se présente. Elle reste là, le dos droit, la tête en direction du large. Et enfin elle l'entend, elle l'entend plus qu'elle ne la voit mais elle sait qu'elle est là. Alors elle se retourne, s'allonge sur sa planche et commence à ramer aussi vite qu'elle le peut. En un rien de temps, elle est debout, elle glisse, la brise fraîche et nocturne fouette légèrement son visage, elle se sent libre. Mais ça ne dure pas. Elle voudrait une vague infinie. Mais elles finissent toujours pas se briser et Puck retourne inévitablement à l'eau. La jeune James sourit comme pour remercier l'océan de lui avoir offert ce dernier petit plaisir, puis rejoint la plage. Une trentaine de jeunes est présente près d'un vif feu, ils boivent, rient, dansent. Une petite fête improvisée. Rien de spectaculaire. Bien loin des mondanités de Laguna. Et pourtant si proche. Elle dépose sa planche un peu à l'écart et jette un œil à la population présente tout en coiffant promptement ses cheveux mouillés avec ses mains : la plupart sont des habitués du spot, certains lui sont inconnus et puis il y a Theo. Une bombasse de chaque côté, elles boivent ses paroles. Et son alcool. Merci pour les bouteilles papa Dicesare... Elle sait que, malheureusement, c'est un peu grâce à elles qu'ils sont acceptés ce soir. Même dans leur petit bout de paradis, on n'oublie pas qui régit le monde : Mr Fric. Et les petits gosses de riches qui ont déjà tout, ils feraient mieux de pas se pointer ici car leur carte de crédit, elle peut pas acheter l'océan et elle les empêchera pas de se faire tabasser. Pour eux deux c'est un peu différent. Ils ont prouvé qu'ils ont le droit d'être ici, ils l'aiment le surf et il le leur rend bien. Alors, en échange d'un petit geste, ils sont tolérés. Ils oublient qu'il se pointe dans une bagnole qui vaut plus que tout les biens de tous les membres de leur famille réunis, ils oublient ses vêtements griffés et son allure supérieure. Il n'y en a qu'une au final que ça fait chier c'est Puck. Puck, elle essaie de se mélanger, elle essaie de cacher d'où elle vient. Sauf qu'elle n'y arrive pas, et elle est la seule à ne pas s'en rendre compte. Malgré ses efforts, tout chez elle crie : je suis pétée de thunes. Tragique.
Après quelques secondes, elle abdique. Ses cheveux sauvages font toujours ce que bon leur semble de toute façon. Elle ôte à présent sa combinaison et se retrouve dans un simple bikini noir dévoilant son corps fins et musclés. Putain, il gèle ! Elle attrape son sac rapidement pour en sortir sa serviette. Bordel elle est où ? Le sac n'est pourtant pas si grand, elle devrait la voir. Elle soupire, relève la tête et réfléchit un instant. Oui elle l'a prise. Elle en est certaine. Elle est prête à gueuler pour trouver l'imbécile qui lui a volé sa fameuse serviette. Et puis franchement, voler une serviette ? Enfin quand même, dans son sac, il y a son smartphone, son porte-monnaie, les clés de sa baraque, mais non, le gars il vole une serviette... Elle vérifie une dernière fois avant de se lancer quand elle entend quelqu'un se racler la gorge derrière elle. C'est Theo, il la toise du regard. Le genre de regard qu'il réserve généralement à ses prétendantes. Et dans sa main se trouve la serviette disparue. Evidemment. Puck s'approche, il recule. Allez, elle a froid. Ou à la limite donne-lui de quoi boire, il paraît que ça réchauffe l'alcool. Vas-y j'me les pèle Dicesare, c'est pas drôle. Une fois ces mots sortis de sa bouche, elle les regrette déjà. Elle aurait dû jouer la gentille fille, croiser les mains derrière son dos et lui demander d'une voix douce s'il peut lui rendre son bien, ou sinon de venir la réchauffer lui-même. Elle est certaine que ça aurait marché. Mais non, il a fallu qu'elle ouvre sa vulgaire gueule trop vite...