T'as ton joli petit cul posé sur une des banquettes en cuir du Mansion. Un endroit qui te répugne mais t'as laissé Karl t'entrainer ici parce que ce soir est soir de fête. Pour fêter quoi ? Tes dix ans sur le territoire américain. 10 ans déjà. De le réaliser, ça te fait sérieusement bader. Tu te souviens encore de ces parties de foot dans cette favela miteuse dans laquelle tu es né et où tu as grandi. Tu te souviens encore de la gueule des gamins du quartier quand t'as débarqué avec cette paire flambant neuve de Nike aux pieds. Cette gueule, tu l'aurais eu aussi bien sûr, si ces baskets ne t'avaient pas été offertes à toi. T'as rien vu venir, un mois plus tard t'étais assis au premier rang d'un jet privé en direction de Laguna Beach. Il faut se l'avouer, ta mère est tombée sur le bon pigeon. Au moins, il sert à quelque chose. Pas comme ton connard de père. Bref, tu te demandes comment t'es rentré dans le putain de carré VIP de l'endroit le plus branché de la terre avec ta snapback, tes baskets et ton jean déchiré. Karl, évidemment. Le seul gosse de riches que t'arrives à blairer. Rectification, le seul gosse de riches, voire la seule personne, pour qui tu donnerais un bras. Sans hésitation. Tu l'as rencontré dans ce collège privé et ultra friqué où Beau Papa t'a envoyé quand t'es arrivé ici. Comment survivre dans une favela, c'était pas un sujet au SAT, il te fallait quand même de l'éducation. Karl, c'est le seul fils à papa de ta classe à ne pas s'être foutu de ton accent chantant et de ton anglais maladroit. C'est drôle parce que, physiquement, c'est sûrement le premier de ces nigauds auquel t'aurais foutu une bonne droite. Tu finis ton verre d'une traite. Si tu dois finir la soirée ici, être complètement déchiré s'impose. C'est bien connu, alcool = fête plus folle = filles plus bonnes. A quelques mètres de toi, Karl en pleine tentative avec une fille. Un rire sarcastique. Il croit vraiment qu'il va serrer Blondie avec ses techniques de drague pourries. Pourtant, deux secondes plus tard, c'est sa langue qui est au fond de la bouche de Blondie. Mea Culpa. Tu veux te resservir mais un connard te bouscule plutôt fort avant même que tu puisses attraper la bouteille. Voyant où il se dirige et Karl empoigné violemment, tu comprends que ce connard c'est le mec de Blondie. Eh Rocky, on a un problème toi et moi ! Tu montes sur la table, te rapprochant du groupe et dominant tout le monde. Le mec, déconcerté, lâche Karl et se tourne vers toi. D'un air profondément agacé et d'un ton sérieusement calme, tu lui sors simplement : Mec, tu viens de marcher sur mes Vans. Et ce sont une putain d'édition limitée ! Le mec arque un sourcil, te regarde puis baisse la tête vers tes pieds. Tu perds pas de temps. Un coup de genou dans le nez, le mec se retrouve recroquevillé le visage en sang. Karl et toi, vous vous regardez et d'un hochement de tête, vous dites à l'unisson : On se tire ! avant de partir en courant. Tu sais pas combien de temps vous avez couru mais t'es sacrément essoufflé. Arrêter de fumer, tu l'ajoutes sur la do-list à chaque fois que tu fais du sport. A tes côtés, Karl hurle de joie. Il en revient pas de ce qui de se passer. C'est simple, c'est la règle entre eux. Les frères, avant tout. Toujours. Karl allume deux clopes, t'en tend une et passe son bras autour de tes épaules. Kurt je suis désolé, je suis qu'un con. J'ai gâché ta putain de fête. Tu tires une longue taffe, un rire ironique s'échappant de tes lèvres. Tu rigoles ou quoi ? J'ai cassé la gueule à un connard en Gucci. C'est limite la meilleure soirée de ma vie. Son rire se mêle au tien et avant même que tu puisses reprendre ton souffle, il a un nouveau plan en tête. Tu l'écoutes à peine et tu le suis. De toutes façons, c'est Karl, il te laissera jamais rentrer chez toi. Bon anniversaire américain, Kurt.  



D'un geste sec, tu appuies sur play. Son corps se déhanche naturellement sur une chanson de Jay-Z, avec des gestes alliant grâce et classe. Comme toujours. Tu dois l'avouer, elle est belle dans cette robe qui met en valeur ses courbes féminines et ses longues jambe. Avec ta caméra, tu la filmes discrètement, capturant ces instants rares où la reine des connasses, comme tu l'as surnommé, fait tomber son masque. Jack est l'archétype même de tout ce que tu détestes. Ridiculeusement friquée. Ridiculeusement théâtrale et dramatique. Ridiculeusement snob et manipulatrice. Une vraie connasse, en somme. Pourtant, la seule personne que tu trouves particulièrement intéressante à filmer ici, dans cette baraque d'au moins 4000 m carré. Elle se retourne brusquement et elle te voit adossé contre ton mur, en train de la filmer. Sa réponse est immédiate : son majeur se dresse en ta direction. Un sourire se dessine au coin de tes lèvres alors que tu l'observes à travers ta caméra. Tu la vois avancer vers toi, progressivement se retrouver juste devant toi. Sa main se lève en direction de ton visage, tu la stoppes sèchement avant qu'elle ne se pose sur ta joue. Je peux savoir ce que tu fais ? Et là, il y a ce sourire de garce, que tu détestes autant, qui s'invite sur son visage. Je pourrais te poser la même question. Psychopathe. Un rire sarcastique s'échappe de tes lèvres alors que tu coupes la vidéo. Pour la première fois de la soirée, ton regard croise le sien. Tu rapproches ton visage du sien, lui murmurant à l'oreille : Tu adores que ce soit toi que je filme. Tu adores que ce soit toi et pas une autre. L'espiègle Jack profite de votre proximité pour glisser une main dans tes cheveux, rapprochant son corps du tien. Tout ce qu'elle te répond, c'est On monte ? Caressant ses lèvres rouge carmin avec tes pouces, tu joues avec elle. Parce que c'est ce que vous faites, vous jouez. En soit, tu la détestes cette fille. Mais c'est pour ça qu'elle t'attire autant. Et vice versa. Tu poses tes lèvres dans son cou, remontant jusqu'à son oreille. Tu as envie de jouer ce soir, tu n'as pas envie que ce soit si simple, tu n'as pas envie de lui donner ce qu'elle veut. Du moins, pas maintenant. Non, pas ce soir. J'ai pas envie ce soir. Puis tu la plantes là, sans te retourner. Elle est probablement bouche bée parce que tu viens de lui dire que tu n'as pas envie d'elle, et rares sont les fois où elle a du entendre cela. De toutes façons, tu la connais Jack. La garce a plus d'un tour dans son sac. En attendant, tu quittes la baraque de tu ne sais plus qui, te rejouant cette vidéo prise pendant le trajet du retour.