La cigarette se consume lentement, et la fumée s’en échappe avec une espèce d’élégance saugrenue. Elle avait toujours eu l’impression qu’elles étaient conçues pour brûler de la sorte.  Quand on y pense, ça n’est qu’un gracieux hasard. Son regard calme est penché sur ses doigts, toute contemplative qu’elle est, aussi elle n’entend pas la voix du serveur. Il hausse la voix et elle sursaute. Elle a l’air hagard, presque agacé. : « Vôtre salade de homard. ». Il pose l’assiette sur la table laquée et elle le remercie dans un murmure.
Les conversations sont bruyantes, et elle se rappelle qu’il est l’heure de pointe. Bientôt une heure. Elle devrait manger plus tard, tous ces gens la fatiguent. Elle reconnait une star de sitcom attablée à deux rangées d’elle, ainsi qu'un groupe de blondes qu’elle a déjà croisé à des fêtes. Toutes connes, toutes riches. Enfin, il y a riche et riche… Les multimillionnaires lui semblent pauvres, et la triste vérité c’est que toutes ces matérialistes orgueilleuses mises ensemble n’atteindraient pas la moitié du chiffre d’affaire annuel de ses parents. Elle est presque nostalgique de tous ces zéros dont elle pouvait rêver hériter autrefois. Elle n’est cependant pas à plaindre. Sa grand-mère, la seule avec qui elle a gardé contact, re-fournit son compte en banque de quelques millions chaque mois. De quoi se payer tous les habits qu’elle veut. Le problème, c’est qu’elle achète tellement que ça na l’amuse plus. Rien ne la distrait plus que la lecture ; les fêtes se ressemblent, les garçons aussi, les suites d’hôtel obéissent aux même codes architecturaux. Tout lui semble être une énième répétition, encore et encore, de la même pièce : seuls les noms des personnages et les décors changent. Les interactions sont les mêmes, les mots sont les mêmes, les expressions sont les mêmes et, comme on est en Californie, les pommettes, nez et poitrines sont tous refaits sur le même modèle. Dans un soupir, elle agite sa longue chevelure couleur encre de chine et décide d’être plus tolérante. Il y a sans doute des gens biens parmi les gens riches. Elle ne les a juste pas encore rencontrés.